Deux Reines chez la devineresse de Castelnaudary

Catherine de Médicis entretient des liens fusionnels avec sa fille Marguerite de Valois la reine de Navarre, qu’on appelle la reine Margot. En 1579, la reine-mère n’a point quitté sa fille depuis une année entière. Elle l’a employée à sa politique ; elle l’a réconciliée avec son mari ; elle a joui des succès que sa beauté et sa bonne grâce lui valent dans les villes qui font partie du domaine du roi de Navarre.

Comme l’écrit d’Aldéguier : « Après avoir joui à Toulouse de tous les plaisirs que l’on pouvait y goûter alors, c’est-à-dire passé la revue des pénitents, vu la procession, visité les cryptes de Saint-Sernin, les illustres voyageuses en partirent pour se rendre à Castelnaudary, où un autre spectacle plus intéressant attendait Catherine. C’était l’assemblée des états du Languedoc, que le gouverneur de la province avait eu la galanterie de convoquer dans la capitale du Lauragais pour faire honneur à Catherine, dont le Lauragais était le petit empire. » Elle vont faire leurs Pâques dans la capitale du Lauragais. Le roi de Navarre suit les Reines. Il les quitte aux approches des villes trop catholiques où elles s’arrêtent, comme Castelnaudary. Margot, entre avec sa mère dans Castelnaudary, le 16 avril 1579.

Voilà six ans que Margot a épousé Henri de Navarre. Or, Margot n’a point d’enfant et Catherine de Médicis se désole. Elle-même a bien failli être répudiée pour n’avoir pas, pendant dix ans, produit lignée. Aussi, la reine-mère compte-t-elle profiter de son séjour à Castelnaudary, pour emmener sa fille chez une vieille du pays connue pour avoir le « secret » contre la stérilité des femmes. Dans ses lettres à son amie la duchesse d’Uzès, Catherine revient plusieurs fois sur ce sujet, qui l’obsède.

La vieille femme est une endevinaïro (diseuse de bonne aventure). Elle s’exprime en langue d’oc, qui est la langue du pays, « car, en ce temps-là, peut-être n’y avoit-il pas dans toute la Province une douzaine de femmes qui sussent parler François ». Elle exige que la jeune reine de Navarre se mette nue. Et après avoir examiné longuement toutes les parties de son corps, la femme dit à Catherine de Médicis :

« Votre fille, Madame, est de très bonne constitution et la potion que je lui ferai prendre, fera merveille, pourvu toutefois, qu’elle puisse prendre sur elle de se tenir chaste tout le temps que je marquerai. Car j’apprends par mon art, que vous êtes, mère et fille, grandas gorinas (grandes coureuses) ! » Catherine de Médicis, s’étant fait expliquer les paroles de la sorcière, éclate de rire.

Pour récompenser la vieille, la reine-mère lui accorde, ainsi qu’à ses descendants, le droit de lever deux liards sur chaque charge de poterie qui est vendue aux marchés de Castelnaudary. Hélas, la reine Marguerite trouve sans doute le régime trop contraignant et comme on sait elle n’aura pas d’enfant du roi Henri IV.

Si Henri fut surnommé « le vert-galant », on pourrait également faire la longue liste des amants de Margot ! Peu après son mariage, la reine de Navarre tombe amoureuse de Boniface de La Môle, un grand seigneur. Femme érudite, amoureuse de la poésie, elle cultiva une passion dévorante pour ses nombreux amants dont quelques-uns furent assassinés.

Au commencement de mai 1579, Catherine de Médicis quitte sa fille Marguerite à Castelnaudary. La séparation d’avec sa mère est un déchirement pour la reine de Navarre. Catherine de Médicis écrit à la duchesse d’Uzès : « La reine de Navarre délibéroit d’aller trouver son mary à Mazères, et moi d’aller disner à l’abbaye de la Prouille, où j’entendis par ceux de mes gens qui étoient demeurés derrière, que ma fille est infiniment attristée, s’étant enfermée seule dans une chambre, où elle a fort pleuré et regretté mon partement. »

Avant 1883, à Castelnaudary, l’actuelle rue du Château d’Eau, était appelée Rue de la Reine Marguerite.


Sources :

  • Charles Merki – La Reine Margot et la fin des Valois (1553-1615) d’après les Mémoires et les Documents. 1905. Reprint. London : Forgotten Books, 2013.
  • Janine Garrisson – Marguerite de Valois ; Paris, 1994
  • Phillippe Lauzun – Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d’après ses livres de comptes (1553-1614) ; Paris, 1902.
  • Jean-Hippolyte Mariéjol – La Vie de Marguerite de Valois : Reine de Navarre et de France (1553-1614); Paris, 2014.
  • Hector de La Ferrière – Lettres de Catherine de Médicis.
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