Il y a 700 ans naissaient la cité épiscopale de St Papoul et la collégiale de Castelnaudary

C’était au temps des papes d’Avignon. En 1317, Jean XXII fait de Saint-Papoul, une cité épiscopale. Dans la foulée, en 1318, il élève au rang de collégiale l’église Saint-Michel de Castelnaudary. Pourquoi ces créations soudaines en Pays Lauragais ?

Le pape Jean XXII révoque l’évêque de Toulouse

Le gascon Jacques Duèze est élu pape en 1316, sous le nom de Jean XXII. Il a besoin d’asseoir son pouvoir face au puissant évêque de Toulouse Gaillard de Preyssac. Il n’a pas de mots assez durs contre la richesse outrancière et le train de vie princier qu’affiche l’évêque. Le pape pointe du doigt également les chanoines toulousains, « engraissés et rassasiés de leurs richesses jusqu’à se montrer arrogants et insoumis, bravant la colère du Ciel, compromettant leur Salut et donnant à leurs sujets un détestable exemple ». Jean XXII révoque l’évêque de Toulouse. Il décide de morceler l’immense diocèse de Toulouse en petits diocèses : Saint-Papoul, Mirepoix, Montauban, Rieux et Lombez. Désormais, le pontife désignera lui-même les nouveaux évêques et il percevra une taxe à chaque changement d’évêque ou de chanoine. Ces taxations alimenteront les caisses du trésor d’Avignon, qu’il a trouvées vides.

Les derniers cathares courent encore

Jean XXII justifie le morcellement du diocèse de Toulouse, en disant que sur un territoire aussi vaste, « nombre de brebis échappent à la surveillance du berger ». Les brebis égarées qui préoccupent le pape, ce sont encore les cathares. Les derniers Bons Hommes cathares courent encore dans la Montagne noire, mais, traqués par l’Inquisition, ils sont aux abois. Le bourgeois cathare Peyre Andrieu est brûlé vif à Castelnaudary, en 1309. Cependant de nouveaux « hérétiques » apparaissent : les Béguins et les Spirituels.

Les Béguins annoncent l’Apocalypse

On les appelle les Béguins. On les voit aller en haillons et mendier sur les chemins, persuadés que cela fait partie de la perfection évangélique qu’ils recherchent. Ils sont dans l’attente imminente du Royaume de Dieu. À Saint-Amans, petit village de la Piège, dans le Lauragais, un certain Mathieu Terré proclame que l’Apocalypse est pour l’année 1330. Il affirme que seuls ceux et celles qui font repentance de leurs fautes et rejoignent les pauvres béguins seront sauvés. Des communautés de béguins et béguines se forment à Cintegabelle, Belpech, Montréal.

Les Spirituels délivrent les cathares à Carcassonne

Un autre mouvement dissident se développe. Ils se désignent sous le nom de Spirituels. Le pape les qualifie de « faux frères », car il s’agit de moines franciscains entrés en rébellion contre leur ordre. Ils ont à leur tête le frère Bernard Délicieux. Celui-ci qui a quitté son couvent de Carcassonne. À Carcassonne, en 1305, il s’élève par ses prêches enflammés contre les abus et la cruauté des Frères Prêcheurs dominicains chargés de l’Inquisition. Bernard Délicieux attise la rage des artisans, des marchands et de tous ceux qui sont venus l’écouter. Il les pousse à envahir la Mure, la prison de l’Inquisition où sont « emmurés » des cathares. La foule contraint messire Jean de Picquigny, le commissaire royal de Philippe le Bel, d’ouvrir les cachots. Après enquête, quinze bourgeois carcassonnais finissent au bout d’une corde sur ordre du roi. L’inquisiteur dominicain Bernard Gui applaudit à ce châtiment : « Ceux qui jadis croassaient comme des crétins sur le passage des frères Prêcheurs en imitant le cri des corbeaux, furent livrés aux corbeaux croassant. On en vit, sur le gibet, qui fouillaient du bec leurs cervelles ». En 1317, au moment même où Jean XXII crée l’évêché de Saint-Papoul, il fait arrêter Bernard Délicieux. On le met aux fers à Castelnaudary, l’épicentre du Languedoc hérétique. Pour juger l’agitateur, le pape fait appel à l’archevêque de Toulouse, et aux évêques de Pamiers et de Saint-Papoul. Le procès s’ouvre le 16 juillet 1319. Bernard Délicieux sera transféré un mois plus tard de Castelnaudary à Carcassonne. Il y décèdera, en 1320, après que les inquisiteurs l’aient dépouillé de son habit de franciscain et confié au bourreau Badefol.

Bernard de La Tour au service du roi et du pape

Par la bulle Salvator noster du 11 juillet 1317, Jean XXII crée un évêché à Saint-Papoul. Le pape nomme à Saint-Papoul quelqu’un qui a sa confiance. Cet homme, est l’abbé de Saint-Papoul, Bernard de La Tour. Il est issu, d’une lignée de chevaliers du Lauragais(1). Il a vu le jour vers 1224, à la Tour d’Antioche, près de Payra sur l’Hers. Son donjon seigneurial veille au-dessus des bois et vallons de la Piège. Bernard arbore la tour pour emblème sur son écu : D’or à la tour crénelée de gueules. Il est possessionné à Laurac, Payra, Belfort, Saint-Amans, Fonters, Mireval, Montauriol, Salles, Pech-Luna, Cumiès, et autres lieux du Lauragais. On suppose que c’est après avoir perdu son épouse, et mis sa fille Raymonde au couvent de Prouille, que Bernard se fait moine bénédictin. Il quitte l’épée et la cuirasse de chevalier pour revêtir l’habit noir d’abbé de Saint-Papoul. Bernard de La Tour a la cinquantaine. Il s’illustre au service des deux grands pouvoirs que sont à l’époque, la papauté et la monarchie capétienne. Bernard de La Tour, abbé de Saint-Papoul a plus de quatre-vingt-dix ans, à l’été 1317, quand il reçoit la mitre et la crosse d’évêque. Il s’éteint le 27 décembre de cette même année 1317. Le vieil homme est enseveli dans le chœur de l’abbatiale de Saint-Papoul devenue cathédrale, « derrière le maître autel, sous la statue de Sainte Anne ».

La gloire de Saint-Papoul

Une seconde bulle de Jean XXII, est publiée dès le 22 février 1318 délimitant le nouveau diocèse de Saint-Papoul. Il est petit, mais s’étend sur un terroir fertile. Il comporte quarante-cinq paroisses qui relevaient jusqu’alors du diocèse de Toulouse. Saint-Papoul est doté d’une cathédrale et d’un chapitre de douze chanoines. Pour leur permettre de se réunir, une salle capitulaire donnant sur le cloître est bâtie dans les années 1320-1324. Si on lève les yeux vers les clés de voûte, on remarque les armoiries de Bernard de La Tour, dernier abbé et premier évêque de Saint-Papoul.

La grogne de Castelnaudary

La gloire de Saint-Papoul fait de l’ombre à Castelnaudary. En apprenant l’immense privilège qui est accordé à Saint-Papoul d’être le siège d’un évêché, on imagine que les consuls de Castelnaudary n’ont pas manqué de protester. Car, leur bonne Ville avait tout pour devenir une grande Cité épiscopale, plutôt que Saint-Papoul. Castelnaudary, ville maîtresse du Lauragais est une place forte avec ses portes qu’on ferme tous les soirs et ses hommes du guet. En outre, Castelnaudary est une ville animée, avec ses échoppes et ses boutiques, ses notaires et ses apothicaires. On y vient au marché et aux foires qui se tiennent devant l’église Saint-Michel. Castelnaudary est à la tête de la paroisse la plus peuplée du Lauragais. Il y a deux édifices de culte : l’église paroissiale Saint-Michel et aussi, l’ancienne église Saint-Pierre qui s’élevait sur la place qui est devant l’actuel collège Blaise d’Auriol. En outre, en 1317, Castelnaudary abrite deux couvents d’hommes : les Carmes, installés vers 1250 et les Cordeliers, depuis 1290.

La Collégiale : une belle compensation pour Castelnaudary

Alors, en toute logique, par sa bulle du 22 février 1318, Jean XXII, décide d’élever l’église paroissiale Saint-Michel de Castelnaudary, au rang de Collegiata ecclesia Castrinovi de Arrio. L’attribution de cette Collégiale apparaît comme une compensation destinée à désamorcer la grogne des consuls de Castelnaudary. La Collégiale est pourvue de deux mille livres tournois de revenus annuels, prélevés sur onze paroisses des alentours. En outre, la Collégiale de Castelnaudary se voit pourvue d’un chapitre bien plus important en nombre que celui de Saint-Papoul. Il est constitué de douze chanoines, comme à Saint-Papoul, mais aussi, trois prêtres hebdomadiers, vingt-quatre chapelains, deux diacres, deux sous-diacres, six clercs ayant les ordres mineurs et six enfants de chœur, soit au total cinquante-cinq personnes ! La Collégiale de Castelnaudary est placée sous l’autorité de l’évêque de Saint-Papoul, mais pour contenter Castelnaudary, Jean XXII stipule que l’élection de l’évêque de Saint-Papoul sera menée conjointement par le chapitre cathédral de Saint-Papoul et le chapitre collégial de Castelnaudary. En fait, cette disposition restera lettre morte, puisque les évêques de Saint-Papoul, seront nommés directement par les papes d’Avignon, jusqu’en 1376.

Des chanoines coiffés de leur aumusse

Dans le parler occitan, on les appelle canonges. Les chanoines de Saint-Michel de Castelnaudary sont des clercs qui vivent en communauté. Chaque jour, ils prennent place dans les stalles du chœur, sous la direction du doyen. Ils psalmodient les heures canoniales. Ils disposent d’un cellier, d’un grenier, d’un réfectoire. Ils ne passent pas inaperçus avec leur aumusse ou almussa, en langue d’oc. Il s’agit d’un bonnet de fourrure dont ils se couvrent la tête, ou qu’ils portent parfois sur le bras. Chanoine est une dignité recherchée pour le prestige qui lui est attaché, et aussi, les revenus qu’elle procure. Car les chanoines restent propriétaires de leurs biens et prébendes. Et, comme dit le poète Mathurin Régner, qui en a fait une satire, « dessous une aumusse, l’ambition, l’amour, l’avarice se musse ». Au sein du collège capitulaire de Castelnaudary et dans les processions publiques, le doyen occupe la première place. En 1318, Raymond Soubiran est nommé doyen de Saint-Papoul par Jean XXII. La deuxième place revient au sacristain, qui a la charge de la paroisse unie au chapitre. Car, Saint-Michel de Castelnaudary assure désormais une double fonction : paroissiale et collégiale. Cette double fonction perdurera jusqu’en 1789.

La Collégiale de Castelnaudary reconstruite dans le style gothique

En ce début du XIVe siècle, Saint-Michel de Castelnaudary est encore un édifice roman. On y entre par le porche situé au couchant. C’est sous ce porche que le seigneur de Castelnaudary, Sicard de Laurac, a signé, en 1186, une charte, in porticu ecclesie Scti Michaelis de Castro Novo. En 1318, d’un commun accord, l’évêque de Saint-Papoul, le chapitre de Castelnaudary et les consuls de Castelnaudary, lancent les grands travaux de reconstruction. Les bâtisseurs se conformeront aux normes architecturales préconisées par les Frères Prêcheurs dominicains. Il faut un édifice de culte capable d’accueillir tous les fidèles et que ceux-ci voient et entendent clairement le desservant. La Collégiale sera vaste et haute, sans piliers intérieurs, couverte d’une charpente de bois et épaulée par gros contreforts. Ce nouveau style d’église fleurit depuis quelques années en Languedoc. A la demande du pape, le chœur est réservé aux chanoines et séparé de la nef par un jubé. Au sud du chevet, on construit une salle capitulaire de deux travées voûtées d’ogives. De nos jours, cette salle tient lieu de sacristie. En ce début du XIVe siècle, une porte de la salle capitulaire ouvre sur le cloître des chanoines qui est attenant au mur sud de l’église. Ce vaste cloître des chanoines avec ses jardins s’étendait vers la Terrasse. Il a disparu. A sa place est implanté le Palais de Justice.

Un Évêché et une Collégiale de reconquête

En 1317-1318, le pape fait de l’évêché de Saint-Papoul et du chapitre collégial de Castelnaudary, richement dotés en bénéfices, les fers de lance de la reconquête spirituelle du Lauragais, terre d’hérésies s’il en fut. Saint-Papoul a vu se succéder trente-quatre évêques. Le village n’est plus Cité épiscopale depuis la Révolution. A Castelnaudary, le chapitre des chanoines a fait de la Ville un bastion catholique au moment des Guerres de Religion. De nos jours, l’église Saint-Michel est encore qualifiée de Collégiale, même si elle n’a plus ni chapitre, ni chanoines.

(1) Source : Gallia christiana, volume XIII (1785).

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