L’école primaire à Vauré vers 1940

La période scolaire primaire est une étape très importante et marquante de notre vie d’enfant. Des conditions rudimentaires en 1940, à Vauré, qui bien que difficiles et non assistées, m’ont permis d’acquérir instruction, courage et pugnacité. J’ai 88 ans et je garde un bon souvenir de cette époque difficile mais heureuse. Les valeurs transmises lors de notre scolarité et notre éducation, appuyées par l’affection de notre famille, le respect, l’amitié, la solidarité de nos amis et de nos proches, ont été des éléments concordants qui nous ont permis de nous adapter et de nous préparer à un avenir convenable avec le plaisir de la réussite professionnelle.

Trajet pour aller à l’école primaire : à pied !

Pour aller à l’école primaire, nous devions effectuer le trajet de 5 kilomètres à pied, par tous les temps, car il n’y avait pas de bus scolaire ! Nos parents n’avaient pas de voiture non plus ! Nous devions, d’une main, porter notre cartable, (dont certains en cuir, toile, carton bouilli – solide et le moins onéreux, appelé aussi gibecière ou sacoche), chargé de cahiers, livres, crayons, porte-plume et la boîte de plumes sergent-major. De l’autre, nous tenions un panier ou une musette contenant notre déjeuner de midi, avec gamelle, pain et charcuterie ou autre que nous mangions dans l’école, en hiver, après l’avoir fait chauffer, “ou souvent brûler” sur le poêle de la classe. La mienne contenait souvent de la soupe au lait.

Notre habillement était sommaire car nous n’avions que des shorts courts ou longs (bermudas), été comme hiver et une veste ! Le pantalon se trouvait surtout en ville. Nos chaussures pouvaient être des sabots en bois, des esclops, des galoches ou des brodequins. Des chaussettes épaisses de différentes hauteurs qui s’attachaient avec des élastiques habillaient nos jambes. Certains portaient des bérets ou des casquettes. L’hiver, cape ou capeline avec capuche, écharpe, et cache-nez nous protégeaient du froid. Lors de notre entrée en classe nous devions être revêtus d’une blouse noire en satinette (ainsi on ne voyait pas les pâtés d’encre noire et les autres tâches), appelée aussi sarrau ou vareuse, boutonnée à gauche pour les garçons, et à droite pour les filles. La plupart des vêtements étaient constitués de couleurs plutôt sombres, nous n’avions pas grand choix et peu de sous vêtements ! En 1950, les blouses sont devenues grises pour les garçons et de couleurs pour les filles et en 1968 elles ont été totalement supprimées.

En 1936, aîné de la famille, j’avais alors six ans et j’effectuais le trajet seul ! Quelques années plus tard, j’étais accompagné de mon frère cadet Marc, d’André Salvignol, et plus tard sa sœur cadette Denise, petit groupe, qui arpentait, tous les jours scolaires, les 10 kilomètres du trajet aller-retour. Nous passions devant les fermes qui jalonnaient la route et les premières camarades nous rejoignaient : de “l’Embouscade”, Marie Rose Puget, un peu plus loin, “En Barganel”, Yvette Rouquet. Au carrefour “Les Souals”, dénommé “En Cri”, se joignaient à nous Joséphine, Eva et André Brunel, de “Planquetorte”, accompagnées d’Annette, de Reine et Marcelle Gleyses et de Jean Vidal. Au total, nous étions 14 à 16 élèves, garçons et filles, à l’arrivée, pour le seul trajet de la route de Vauré-le Barthas, soit la moitié de l’effectif de la classe. Ce n’était pas triste, avec toutes les espiègleries que nous pouvions faire ! L’eau coulait constamment des fossés qui la bordaient, comme c’était amusant de marcher dedans, avec ou sans nos sabots de bois. Souvent, nous les faisions voguer jusqu’à les faire couler, à coups de cailloux. La paille se détrempait, nous les rechaussions ainsi, et nous les mettions à sécher devant la cheminée. Dans nos bousculades, il nous arrivait parfois de tomber le cartable dans l’eau, de l’un ou l’autre. Bonjour les dégâts !

Bien sûr, souvent nous nous enrhumions. Le meilleur et le plus efficace des remèdes en notre possession, en ce temps là, était la préparation d’un bol plein de lait bien chaud, que l’on caramélisait en écrasant les deux mâchoires d’une paire de “mourdassos” (des pincettes à braises). Cela grésillait fort en dégageant une bonne odeur de caramel, que nous buvions bien chaud, accompagné parfois d’un demi cachet d’aspirine. Le lendemain, nous nous levions rétablis et en pleine forme.

Notre milieu scolaire

Nos horaires se déroulaient ainsi : le matin de 8h à 11h – l’après-midi, de 13h à 16h – repos, le jeudi. Les vacances s’étalaient du 14 juillet à début septembre. Dès 1936, La scolarité était obligatoire jusqu’à 14 ans et en 1959 elle a été déplacée à 16 ans.

Notre institutrice nous accueillait en tapant des mains. Disciplinés, nous venions aussitôt nous mettre en rang devant l’entrée. Chacun de nous était tenu de la saluer et de montrer ses mains (propres !) dessus et dessous, avant de rentrer dans la classe où sitôt, il était de rigueur que nous suivions un cours d’instruction civique, comme première leçon. L’enseignement s’appuyait sur la morale, politesse, honnêteté afin que nos actes contribuent à respecter autrui et conduisent à bon comportement général. Nous nous servions d’une ardoise noire et de craie. De son bureau, notre institutrice Mme Guiraud, dominait tous les élèves qui, loin s’en faut, n’étaient pas toujours des anges. A proximité d’elle, se trouvait un long bambou qui lui permettait, lorsque nous étions appelés au tableau pour un exercice, de nous chatouiller les oreilles, lorsque nous répondions dans l’erreur. Ce qui n’était pas pour déplaire aux autres élèves, qui riaient sous cape, de notre déconvenue. Ce tableau devenait un lieu de supplice, pour celui qui était appelé pour faire un exercice.

Au retour de notre interrogation manquée, nous avions droit à l’ultime sanction ; soit écrire 20-50-100 ou 200 lignes, être privé de récréation, ou bien aller au piquet dans un coin de la classe. Sentence suprême, mais rare, était la gifle car nous étions quelquefois trop indisciplinés. Quand cela se produisait, nous nous gardions bien de nous plaindre à nos parents. Sinon, c’était un doublé que nous recevions, une sur chaque joue, cela faisait trois gifles au total ! Nous n’étions guère fiers, lorsqu’il fallait présenter nos cahiers scolaires à nos parents, pour qu’ils apposent leurs signatures, car l’appréciation de notre institutrice n’était pas toujours à notre avantage. Nous nous faisions tout petits, et même nous protégions nos oreilles d’avance avec nos mains !

Il est bon de rappeler qu’à cette époque, le stylo bille n’existait pas (Il date de 1965). Nous écrivions donc avec un porte-plume, dont on trempait la plume sergent-major dans un encrier. La difficulté dans ces conditions, était de présenter un cahier sans pâtés, ni taches. La calculette de poche n’existait pas non plus (commercialisée en 1970). Le calcul s’effectuait avec des bâtonnets, liés par dizaine et nous aimions bien cet exercice pratique.

Nous bénéficions certains après-midi, de sorties à la campagne, ou au lac de St-Ferréol, afin de nous instruire sur la flore et la faune. Parfois, ces promenades servaient à compléter nos connaissances d’histoire naturelle : nous allions ramasser des doryphores, dans les champs de pommes de terre d’une des fermes du village ; geste utile qui rendait service pour éviter la propagation de ces animaux nuisibles pour ces légumes. Mais des bêtes nuisibles, nous en avons connu, hélas : les poux, très prolifères en ce temps là, envahissaient nos têtes, au grand désespoir de notre institutrice, qui nous renvoyait chez nous. Le remède contre ces poux était la coupe de cheveux à ras pour les garçons, ou le traitement le plus courant : le pétrole ou bien la lotion Marie-Rose, que nous nous procurions (déjà) en pharmacie.

Nos jeux à la récréation

Pendant les récréations, nous nous servions des billes ou bien à la toupie en bois que nous faisions tourner avec une cordelette dans un rond sur le sol, d’où elle ne devait pas sortir… Mais notre jeu favori, à nous les garçons était « l’attaque de la diligence », style western. Nous faisions aussi celui de la chaise à porteurs… Presque chacun de nous avait sa petite camarade préférée ; appelons les “copines ou amourettes”, peu importe. De tous temps, dans nos écoles mixtes, ces rapprochements préférentiels amicaux et affectifs, dirons-nous, ont toujours existé, et se perpétuent encore !

Reconnaissance à mon institutrice !

Je garderai toujours un inestimable et reconnaissant souvenir de notre chère institutrice que nous respections, Mme Guiraud, et de son mari qui résidaient à même l’école. Sa bienveillance nous permettait de faire chauffer et de surveiller nos gamelles sur son gaz, dans sa cuisine. Nous mangions, bien sûr, dans la classe. Si le temps n’était pas favorable nous nous amusions dedans où nous faisions du chahut, mais notre très chère institutrice nous rappelait à l’ordre. Un grand merci Mme Guiraud et toute ma reconnaissance pour l’enseignement général et moral que vous nous avez inculqué qui nous a marqués favorablement. J’ai aussi, une pensée reconnaissante pour votre mari, M. Guiraud, qui tous les samedis, animait les cours de chants à Revel : il était musicien et chef d’orchestre de la Lyre Revéloise. Pour ma part, j’appréciais bien ces moments de musique et de chant. J’ai encore dans ma tête un de ces airs, qu’il y a onze ans, je fredonnais à ma petite fille Camélia, Le papillon couleur de neige.

Il était reconnu à Mme Guiraud son succès important, au plan cantonal, par un très fort pourcentage de réussite à l’examen de ses élèves, provoquant la satisfaction et la joie des parents. Par contre, pour ceux qui n’étaient pas reçus, et dignes du bonnet d’âne, cela provoquait le regret de notre institutrice et les foudres (colères) justifiées des parents. Suprême récompense pour les reçus de figurer au tableau d’honneur avec une bonne mention, accompagnée d’un joli petit billet d’honneur ! Ils recevaient en plus, un très beau livre offert par la mairie, et la dédicace de Mme Guiraud. Cette remise des prix avait lieu vers le 14 juillet pour toutes les écoles de Revel, à la veille des vacances, dans la salle du Music-Ciné, notre cinéma (supprimé depuis de nombreuses années), en présence des autorités de la ville. Tout cela dans une ambiance de fête, dont la Lyre Revéloise sous la conduite de Mr Guiraud, animait la partie musicale de la soirée.

Vers l’âge de 14 ans, nous passions notre certificat d’études. A cette époque, cela permettait, à celui qui était reçu, de pouvoir postuler dans la fonction publique ; les autres se dirigeaient vers des métiers manuels. Tel est mon cas comme je n’ai pas tenu à exercer dans le monde agricole, j’ai effectué de 17 à 20 ans un stage en maçonnerie jusqu’à mon service national obligatoire à 20 ans où je me suis retrouvé au Maroc, pour 12 mois. A mon retour, je me suis dirigé dans une entreprise de maçonnerie à Muret, où j’ai accompli toute ma carrière professionnelle avec satisfaction jusqu’à la retraite.

Nous adressons un amical souvenir aux lecteurs qui vont lire ce dossier.

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