Le Lauragais, terre venteuse par excellence, a le privilège de posséder une multitude de moulins à vent perchés aux sommets de douces collines qui caractérisent ce riche terroir céréalier au relief mouvementé. Nous vous avons déjà présenté plusieurs de ces spécimens dans les colonnes du magazine « Couleur Lauragais ».
Les moulins de la Piège, petit territoire qui gravite autour de la localité de Laurac, jadis ancienne capitale du Lauragais, n’avaient cependant pas encore été portés à votre attention. Comme ces moulins recèlent chacun une particularité séduisante qui leur est propre, nous vous les présentons en souhaitant que vous prendrez autant de plaisir que j’en ai eu en découvrant leurs trésors cachés au gré de mes diverses recherches.
Laurac le Grand
À l’origine féodal, ce petit village escarpé qui fut la capitale du Lauragais, lui a donné son nom et conserve encore les restes de deux anciens moulins à vent.
Le dernier à avoir cessé son activité, se situe tout au sommet d’un mamelon, à côté de l’église à l’aspect massif. Du moulin, seule subsiste une petite partie du fût de pierre, ceinturée à la base d’une pièce métallique. Au XIXème siècle, ce moulin appartenait à Monsieur François Babilie, décédé en 1891. L’héritière Madame Eugénie Jahe, le vendit en 1925 à Monsieur Fabre qui devait en être le dernier meunier. Sa fille, Madame Marie Antoinette Bouisset, me fit connaître que son père lui demandait de monter tout en haut des ailes, afin de l’aider à mettre en place les voiles. Cela lui donnait le vertige, mais quelle joie de pouvoir participer à cette aventure. Avec nostalgie, elle se souvient aussi combien les gens du village aimaient la farine de millas confectionnée avec leur moulin. Néanmoins, petit à petit, de plus en plus concurrencée, la vie des meuniers à vent a changé et le moulin s’est définitivement arrêté vers 1935 et depuis n’a cessé de se dégrader.
Histoire particulièrement pathétique qui n’est pas sans nous rappeler celle de ce brave Maître Cornille, « vivant dans la farine depuis soixante ans et enragé pour son état… Puis, un matin, Maître Cornille mourut, et les ailes de notre dernier moulin cessèrent de virer, pour toujours cette fois… Cornille mort, personne ne prit sa suite. Que voulez-vous, monsieur ! Tout a une fin en ce monde, et il faut croire que le temps des moulins à vent était passé comme celui des coches sur le Rhône » (Lettres de mon moulin, d’Alphonse Daudet).
Du deuxième moulin à vent de Laurac, presque entièrement en ruines, seule une petite partie du tronc isolée au bord d’un promontoire se dresse encore, mais pour combien de temps. De mémoire de personnes âgées, ce moulin a toujours été en très mauvais état.
Saint-Amans
Moulin du Traoucas
De ce moulin imposant, subsiste le fût en bon état, légèrement arasé et couvert d’un toit à faible pente. Erigé selon toute vraisemblance vers 1860, son arrêt est intervenu en 1951. Au temps de sa pleine activité ce vaste moulin était équipé de deux paires de meules, mais aujourd’hui une seule s’y trouve encore. Disposé à hauteur du premier étage, un troisième pignon permettait lors de son activité, d’entraîner une scie comme au moulin de Mézerville. René Robert Armengaud en a été le dernier meunier. Lors de son décès survenu en 1989, disparaissait avec lui, le tout dernier meunier à vent du Lauragais Audois. Il allait fêter ses 80 ans le mois suivant. Ce moulin avait la particularité d’être muni d’un petit élévateur à godets d’environ deux mètres de haut. Cet appareil d’une grande rareté, est le seul découvert parmi les quelque 200 moulins à vent visités, au cours de mes recherches en Lauragais. Il permettait de mettre la farine automatiquement en sac à la sortie de la meule.
Moulin Haut
Un peu à l’écart du village, le moulin haut est situé à plusieurs centaines de mètres de celui du Traoucas. Bien qu’il ne possède plus de toit ni aucun mécanisme à l’intérieur, le fût tout en pierre présente de l’intérêt. La cave dépourvue de son plancher subsiste et compte tenu de cet élément, comme de la grande circonférence du tronc, il est permis de penser que deux paires meules se trouvaient au rez-de-chaussée. La date de construction comme celle de l’arrêt ne sont pas connues. Toutefois celui-ci a dû se produire très tôt, car d’après la mémoire orale, vers 1930-1935, ce moulin était déjà entièrement décoiffé et à peu près dans le même état qu’aujourd’hui.
Racheté à Madame veuve P. par Monsieur Noubel en 1973, le corps du moulin ainsi que la maison de l’ancien meunier, sont parfaitement entretenus.
Fanjeaux
Le village de Fanjeaux a le privilège d’être le lieu où fut érigé le premier moulin à vent en Lauragais.
Le moulin à vent vu par Saint Dominique. D’après un texte de vicaire traitant de la région de Fanjeaux, celui-ci nous apprend qu’au cours de l’hiver 1206/1207 sur la motte de Prouilhe, à l’emplacement du château, un moulin à vent se dressait. Cette date est actuellement la plus ancienne mention connue révélant l’existence d’un moulin à vent en Lauragais. Malheureusement, aujourd’hui, il ne nous reste plus rien de ce moulin, si ce n’est l’impressionnante butte où il était érigé. Désormais, au sommet de la vaste motte jouxtant le monastère de Prouilhe, à la place du moulin, une statue de la vierge a été élevée.
Les moulins de la colline
Un peu à l’écart du village, sur une colline d’où l’on a un magnifique panorama, à la fois sur les Pyrénées et la Montagne Noire, se dressaient trois moulins. Une carte postale du début du XXème siècle les représente fort bien. Aujourd’hui deux d’entre eux ont totalement disparu et ne reste que le fût du troisième, situé tout à côté de la longue maison du meunier qui a fait l’objet d’une restauration. Sur une pierre du fût du moulin, à droite de la porte d’entrée, on peut lire la date de 1869. S’agit-il de la date de construction ? Probable. A l’intérieur, si les deux paires de meules qui se trouvaient au rez-de-chaussée ont disparu, l’emplacement sur lequel elles reposaient est encore parfaitement conservé. Par contre plus aucun mécanisme ne reste, à l’exception d’un gros fer de commande démonté.
Moulin du Nord, Hercule du Midi
Situé dans le village, nous avons là un moulin de taille imposante qui devait actionner deux paires de meules. S’il ne possède plus ses ailes ni son toit en poivrière, le fût est bien restauré, mais vide de tout mécanisme. Gravée sur le linteau de la porte figure la date de 1872, il s’agit très vraisemblablement de celle de la construction du moulin. François Frontil, qui fut le dernier meunier à l’exploiter, devait l’arrêter en 1925.
Laurabuc
Ce petit village situé entre deux collines, dites du moulin et du calvaire, a vu virer les ailes de quatre moulins à vent, dont ne subsiste plus aujourd’hui que le tronc d’un seul. Blotti dans le vallon à proximité du moulin à eau avec lequel il était couplé durant son activité, nous avons là le Moulin Bas. Bien qu’en mauvais état et dépourvu de son toit, les deux paires de meules effondrées à l’intérieur du fût, sont encore présentes au rez-de-chaussée. Son arrêt est intervenu vers le début du XXème siècle. A côté de ce dernier, s’est dressé un autre moulin à vent disparu on ne sait trop quand ni comment. D’après les descendants des meuniers encore présents au village, ces moulins ont appartenu à la famille Birbes, avant de passer à celle des Bousquet, pour ensuite changer à nouveau de mains.
Sur la colline, deux autres moulins à vent ont fonctionné côte à côte. L’un d’eux, le Moulin Haut appelé aussi Moulin Gravat et conduit par le meunier Pierre Talabas, a été entièrement détruit voici plus d’un demi-siècle. Seule une meule demeure près de l’ancienne maison du meunier. Fort heureusement, après avoir été démonté, le mécanisme a été sauvegardé ce qui a permis ensuite de l’installer au moulin de Cugarel à Castelnaudary. Cette remarquable initiative nous donne aujourd’hui la possibilité de visiter un moulin à vent à l’agencement authentique. Il me paraît bienvenu de rappeler que cette restauration qui date de 1962, est particulièrement méritoire car à cette époque, ne l’oublions pas, il fut l’un des premiers moulins à vent à faire l’objet d’une aussi complète remise en état.
La Cassaigne
Moulin de la Mailhole
Édifié sur la colline qui domine le village, le fût de ce moulin est aujourd’hui restauré et abrite une coquette habitation. Mais, couvert d’un toit de tuiles à une pente, il est désormais dépourvu de ses ailes. Cependant ce moulin recèle une petite particularité qui mérite que l’on s’y attarde un tant soit peu. Percé de trois meurtrières, il semble bien avoir été fortifié, ce qui n’est pas fréquent. L’une d’entre elles se trouve orientée à l’est, les autres le sont au nord-est et au sud-est. Après avoir appartenu à une famille de meuniers répondant au nom de Gleyzes, l’arrêt du moulin a eu lieu quelques années après la guerre de 1914-1918.
Moulin du village
Situé dans le village même, au pied de la colline, seule une petite partie du tronc (guère au-dessus du linteau), subsiste encore de ce moulin. Couvert d’un toit de tuiles à deux pentes, il est vide à l’intérieur de tout son mécanisme. Néanmoins, près de la porte d’entrée, appuyée au mur, se trouve une belle meule de granit, sur laquelle il y a lieu de s’attarder. Son arrêt, difficile à préciser, a dû avoir lieu depuis fort longtemps car personne ne se souvient d’avoir vu ce moulin fonctionner au cours du XXème siècle.
Fendeille
Construits sur la colline à proximité du village qui a vu naître le poète (félibre) d’expression Française et Occitane Prosper Estieu, deux moulins à vent ont fonctionné.
Du premier spécimen, il reste seulement les ¾ du fût de pierre, vidé de tout son mécanisme. Non loin du tronc, délogé de la porte d’entrée, gît à terre le linteau sur lequel figure une sculpture et une date semble-t-il mutilée volontairement. Les chiffres étant devenus illisibles, c’est grâce à la coopération du propriétaire que la date de 1818 a pu être déterminée. A quelques mètres de là, mais détruit, se trouvait le fût du deuxième moulin. Malgré tout, une paire de meules est encore en place, ainsi qu’au fond de la cave, gisent, en morceaux, les restes de l’autre jeu.
Ces moulins ont la particularité d’avoir toujours été exploités par la même famille de meuniers, les Calvet, à qui ils appartiennent encore. L’un d’entre eux, prénommé Antoine, devait arrêter le dernier des deux moulins à la veille de la Guerre de 1914. La maison du meunier située juste à côté, fut occupée par des soldats Allemands pendant la Deuxième Guerre Mondiale et eut à en souffrir. Cependant, bien d’autres dégradations l’attendaient par la suite. Elle se trouve aujourd’hui totalement en ruines, victime de son abandon qui la met à la merci de gens peu scrupuleux du patrimoine, comme du bien d’autrui.
Chers lecteurs, comme nous venons de le voir, les moulins de la Piège recèlent d’intéressantes particularités qu’il m’est bien agréable de les avoir portées à votre attention. La saison préautomnale de ce mois de septembre, avec ses douces journées ensoleillées propices aux promenades dominicales, devrait vous permettre de profiter pleinement de l’attrayant Patrimoine molinologique que le Lauragais a le privilège de posséder.